Nous sommes en 2021 déjà un an que l’on vit sous le joug de la COVID! Combien de personnes n’ont pas pu communier comme il se doit pour et avec leur mort ? Combien de personnes n’arrivent pas à avancer dans leur travail de deuil ? Qu’est-ce qui fait que nous en sommes là aujourd’hui ? Quelles seront les conséquences pour demain ? Que garderons-nous du deuil avec la COVID ?
1 – Le deuil avec la COVID, quid de nos rituels ?
En France, comme dans un grand nombre de pays dans le monde, il existe des rites auxquels nous ne “dérogeons” pas pour nos disparus. Ces rites sont, avant tout, un hommage aux défunts tout en restant également un soutien aux vivants. Normalement une fois que nous sommes morts, nous n’avons pas 50 solutions, incinération, inhumation voir le don de son corps à la science (ce qui entraînera une incinération finale).
A noter que selon l’enquête CSNAF-CREDOC réalisée en 2019, s’intitulant “les français et les obsèques” basée sur 1508 adultes de 18 ans et plus, 33% voulaient une inhumation versus 48% une crémation. Ces chiffres diffèrent un peu si on les ramène à une population de 40 ans et + représentant 1002 personnes dans cette enquête. En effet, la crémation passe à 51% contre 31% pour l’inhumation. Le reste des pourcentages représentant les personnes ne sachant pas ce qu’elles veulent au moment de l’étude.
Heureusement, malgré ces mesures strictes, il nous reste l’existence de notre lieu de sépulture où nous pouvons nous recueillir. On a, au moins, pas eu cette privation dans cette crise.
2 – Voir ou ne pas voir un défunt avant son inhumation/crémation, comment ça marche avec la COVID ?
Autour de cela il y a des “préparatifs”. Soit on a pu se préparer à cette mort, qui reste malgré tout inéluctable, soit elle est arrivée subitement et là, c’est un peu tout le monde devant le fait accompli. L’important sera, possiblement, de pouvoir prendre un temps de recueillement. Mais la COVID nous laisse-t-elle ce temps ? Un temps où l’on va voir, une dernière fois, la personne décédée ce qui pourra ancrer la mort de la personne dans notre esprit.
Dans une autre enquête de 2016 cette fois-ci, toujours CSNAF-CREDOC , “les français et les obsèques”, basée sur 1746 adultes de 18 ans et plus, il a été montré que le fait d’avoir vu le corps du défunt a eu un impact :
- à 41% plutôt positif
- à 15% plutôt négatif
- à 14% très positif
- à 7% très négatif
- à 24% ne savent pas
Cela amène à dire que 55% des personnes retirent un impact plutôt positif d’avoir vu le corps. C’est plus de la moitié de la population de cette enquête.
Depuis la pandémie, si on meurt de la COVID, et ne peut pas être vue, parce que c’est la procédure pour préserver le plus grand nombre. La mise en bière aura lieu sans nous, le cercueil sera fermé immédiatement et la dépouille ne sera visible ni avant ni après pour le recueillement. Pour ceux qui doute de savoir ce qu’est la mise en bière, moi-même j’ai eu un vrai doute ;-), il s’agit du moment où l’on met le corps dans une housse et où il est ensuite placé dans le cercueil. La levée, c’est l’action de déplacer le corps qui a subi la mise en bière. Il sera emmené vers un autre lieu tel que l’église ou le cimetière.
Souvenez-vous de mon histoire avec Marie, ma meilleure amie, où je ne l’avais pas reconnu et qui m’a fait plonger dans un déni, que je trouve “extrême” aujourd’hui en y repensant, et qui a duré quasiment 8 ans. J’avais, à cette époque, eu le choix de la voir ou, de ne pas la voir. Et les mesures sanitaires, nous privent du choix de voir nos défunts si la cause du décès est la COVID, ce qui pour moi est un droit fondamental.
La COVID en a privé un grand nombre. “on ne peut pas madame, ce sont les mesures sanitaires, ce n’est pas permis”. “Non, Monsieur, vous ne pouvez pas allez prendre la main de votre femme une dernière fois, ce n’est pas possible, les mesures sanitaires vous comprenez et vous ne pouvez pas venir non plus”. Qui aurait envie de comprendre, à ce moment-là, ces mesures sanitaires ? Qui aurait envie, toujours à ce moment-là, de dire “oui bien sûr je comprends, je ne reverrais jamais ma femme, je l’ai vu durant 35 ans de ma vie et la dernière fois, c’était il y a une semaine…”.
Imaginez le crève-cœur des soignants sans parler de celui des familles…
Plus de “grand” rassemblement non plus. Impossible d’inviter autant de personnes que l’on voudrait que ce soit en privé ou en public. Comment se limiter à quelques personnes alors que notre famille est nombreuse et que notre défunt était cher à tant de personnes ? Heureusement les célébrations ont pu reprendre avec de nouveaux arrangements.
3 – Quelles seront les conséquences sur le deuil avec la COVID ?
Le deuil nous plonge déjà dans un choc alors la COVID par-dessus tout ça…
- Comment gérer notre deuil ?
- A quel moment pourra-t-on le démarrer ?
- Est-ce qu’on va réussir à en sortir apaisé ?
- Quelles seront les conséquences de ces “privations” dans les étapes du deuil ?
Que se passe-t-il si l’on ne peut pas voir notre défunt ? Est-ce que cette perte va être actée par notre cerveau ? N’y a-t-il pas là, déjà, une forme de déni de la mort ? Si on ne le voit pas alors ce n’est peut-être pas vraiment arrivé… Le fait de voir le corps d’une personne disparue, même si cette action n’est pas complètement “nécessaire” au deuil, peut favoriser la mise en marche du cheminement de la perte. En effet, cela va amorcer le processus de séparation entre vivants et morts. On pourrait dire, quelque part, que l’on va prendre congé du défunt. Cela pourra même entamer une prise de conscience de l’événement de mort.
Comment imaginer avoir dû tout faire à la va-vite, comme si on devait se cacher, dans une pseudo clandestinité, non voulue mais bien subie ? Quid de ces personnes qui n’ont pas pu voir le corps, pas pu faire les funérailles qu’ils auraient voulues, pas pu avoir les rites dont ils ont l’habitude… Ces rassemblements, ces veillées sont des moments où les familles peuvent se retrouver, ou des liens renaissent, des souvenirs sont partagés, peut être le moment aussi de faire disparaître des tensions…
La presse et les médias nous entraînent assez facilement dans des sphères anxiogènes. Aussi, j’ai voulu vous montrer un graphique des décès quotidiens, tout type confondu, sur les 5 dernières années :
Que vous évoque ces chiffres ?
J’ai l’impression, mais je ne sais peut-être pas décrypter ce type de graphique, que les 2 périodes de confinement ont apporté de bien plus grand pic de mortalité que durant les autres périodes. Il me semble, mais là encore je ne suis pas un expert, que la mortalité se tient globalement durant ces 5 dernières années. Y avait-il de telles mesures pour les surmortalités des grippes saisonnières passées ?
Je vous propose, avec ce reportage BFM Lyon, d’écouter le témoignage d’une femme qui nous parle de son ressenti, de ses émotions, face au départ de son mari fin 2020. En fin de reportage mon intervention parle de sérénité. Car oui, l’apaisement, la sérénité c’est cela l’acceptation du deuil. Aujourd’hui c’est vraiment ce qu’il nous manque en tant qu’individu et en tant que société.
Quels souvenirs garderons-nous du deuil avec la COVID ?
Sources INSEE, CSNAF, Legifrance, wikipedia